Groupement d’entreprises : la solidarité a des limites, surtout en matière de pénalités !

#Contrats publics

A propos de Conseil d’Etat, 12 avril 2023, n° 461576

 


 

La Haute juridiction administrative était saisie d’un recours contre une arrêt de la CAA de Nancy par une société d’architectes qui contestait principalement la résiliation de son marché de maîtrise d’œuvre à ses frais et risques, par le Centre hospitalier de Colmar. Sur ce point, la confirmation de la décision de la cour s’imposait sans trop de difficultés, par application d’une jurisprudence assez sévère pour les titulaires de marchés en présence d’une « faute d’une gravité suffisante ». La sanction était ici justifiée par un ensemble de manquements, parmi lesquels une défaillance dans l’exercice de la classique mission « exécution et synthèse », source de grandes difficultés dans le cadre d’opérations de construction complexes comme c’était ici le cas. Mais la décision du Conseil est surtout intéressante en ce qu’elle se prononce sur le montant des lourdes pénalités mise à la charge du maître d’œuvre. Il est rappelé que « les pénalités prévues par un contrat de la commande publique ont pour objet la réparation forfaitaire du préjudice qu’est susceptible de causer à l’acheteur le non-respect, par son cocontractant, de ses obligations contractuelles », étant souligné que les pénalités sont applicables « au seul motif qu’une inexécution des obligations contractuelles est constatée et alors même que la personne publique n’aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge de son cocontractant qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi ».

Cependant si « le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché » (Cf, CE, 19 juill. 2017, n° 392707, Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent). Il appartient au titulaire du marché public de démontrer le caractère manifestement excessif des pénalités.

La haute assemblée se prononce dans cet arrêt du 23 avril 2023 sur l’attitude que doit adopter le maître d’ouvrage pour l’application des pénalités, lorsque dans un groupement solidaire la part revenant à chaque entreprise est précisée dans le contrat. Fort logiquement, dans un tel cas le montant des pénalités doit être apprécié en fonction de la seule part de l’entreprise en cause et non en fonction du montant total du marché. En méconnaissant cette règle la Cour administrative d’appel, refusant de moduler le montant des pénalités, avait commis une erreur de droit.

La décision est d’une portée certaine, ce qui justifie sa publication aux Tables du recueil Lebon.

 

Article par Serge DEYGAS 

Auteur Serge Deygas

par Serge DEYGAS