Jeux Olympiques et projet de loi d’exception : les algorithmes entrent en piste pour « doper » la videoprotection

#Structuration des services et organisation administrative

Lors du Conseil des ministres du 22 décembre 2022, le Gouvernement a présenté un nouveau projet de loi appelé à être discuté prochainement au Parlement dans le cadre de l’organisation des jeux olympiques 2024.

Dans ce projet de loi d’exception (dans tous les sens du terme), on trouve notamment :

– L’installation d’un centre de santé dans le village olympique et paralympique où sera autorisé, à titre temporaire, l’exercice de professionnels de santé ne pouvant habituellement pratiquer en France,

– L’autorisation pour la durée des jeux de la prescription d’examens génétiques aux fins de lutte contre le dopage, en dérogeant ainsi aux principes du code civil qui n’autorisent l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique,

– Et l’expérimentation d’une vidéoprotection inédite, comportant des systèmes d’intelligence artificielles « facilitant l’identification de situations dangereuses pour la sécurité des personnes par les forces de sécurité au moyen de traitements par algorithme » selon les termes du compte-rendu du Conseil des ministres.

Cette dernière innovation mérite attention.

Dans la version initiale du projet de loi soumis au Conseil d’Etat pour avis, le Gouvernent avait décidé d’autoriser le recours à l’analyse automatisée de la vidéoprotection à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2024.

Le Conseil d’Etat a proposé de proroger l’expérimentation jusqu’en juin 2025 ; cela pour « pour permettre d’en tirer toutes les leçons utiles après les jeux Olympiques et Paralympiques qui s’achèveront le 8 septembre 2024, dans un rapport d’évaluation qui sera transmis au Parlement et à la CNIL ».

 

Quelle garantie pour les droits individuels durant cette période d’expérimentation étendue ?

Le texte conçu par le Gouvernement encadre le recours à l’analyse automatisée de la vidéoprotection.

Ainsi, son utilisation sera réservée à des manifestations de grande ampleur, les systèmes ne collecteront ni n’utiliseront aucune donnée biométrique, pas de recours à la reconnaissance faciale, interdiction de procéder à des rapprochements, à des interconnexions ou mises en relation automatisées avec d’autres traitements de données personnelles.
Les analyses automatisées procèderont exclusivement à « un signalement d’attention » et ne pourront produire aucun autre résultat, ni fonder par eux-mêmes une décision individuelle ou un acte de poursuite. Finalité et fonctionnalité des systèmes sont ainsi très strictement bornées et soumises au contrôle de la CNIL.
Pour renforcer juridiquement le dispositif, le Conseil d’État propose d’ajouter à ces garanties, le principe de primauté humaine, assurant qu’à tout instant le traitement ne fonctionne que sous la supervision des personnes qui le mettent en œuvre.

Si l’on peut saluer les garanties prévues par le texte initial et si l’on peut également saluer l’émergence d’un principe de primauté humaine en présence de traitement de données par intelligence artificielle, il n’en demeure pas moins que l’avis du Conseil d’Etat laisse supposer un « après-jeux » pour ces systèmes intégrant l’IA.

Les Jeux Olympiques vont donc aussi être le terrain d’entrainement du traitement automatisé des données issues des systèmes de vidéoprotection et, en cas d’efficacité avérée, l’exception comme souvent pourrait devenir le droit commun à partir de juin 2025, c’est souvent le sens de l’Histoire des expérimentations « réussies ».

L’intelligence artificielle s’impose lentement dans l’ensemble des secteurs d’activité. Son utilisation en matière de sécurité est déjà extrêmement étendue. Toutefois, il reviendra à cette expérimentation de démontrer que traitement automatisé de la vidéoprotection et préservation des droits individuels peuvent se concilier pour l’intérêt de tous, loin des modèles peu démocratiques développés en d’autres territoires et en d’autres occasions.
En tout cas, n’oubliez pas, souriez, vous êtes filmés et analysés.

Auteur Jean-Noel LITZLER

par Jean-Noël LITZLER